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Recette pascade aveyronnaise : l’omelette soufflée aux saveurs d’autrefois

Une gourmandise d’antan qui fait battre le cœur de l’Aveyron

Il est des recettes qui traversent les siècles comme on traverse un village de l’Aubrac : à pas feutrés, mais le cœur en éveil. La pascade, cette douce et généreuse spécialité aveyronnaise, en fait partie. Un simple mélange d’œufs, de farine, de lait… et pourtant ! Sous sa surface dorée et soufflée, cette omelette rustique cache toute l’âme d’un territoire au charme intact, entre causse et vallée. Elle se déguste chaude, sortant du four, un brin croustillante sur les bords, moelleuse à cœur. Un plat qui a le goût tendre des souvenirs.

Un plat du pauvre devenu icône gourmande

À l’origine, la pascade (prononcez “pascadou” en occitan) était une recette paysanne, préparée avec ce que l’on avait sous la main — des œufs de la basse-cour, un peu de farine, une pointe de lait, et, parfois, des herbes du jardin. Elle était souvent confectionnée à Pâques, comme l’indique son nom, mais aussi en guise de repas rapide ou en-cas nourrissant. C’était la réponse simple à un appétit d’hiver ou aux jours de marché, quand le feu crépite et que le pain manque.

Au fil du temps, les « ménagères » aveyronnaises ont enrichi cette base de mille variantes : sucre, lardon, ciboulette, fromage frais… Chaque village, chaque ferme avait son secret. On raconte même que certaines familles ajoutaient une goutte de ratafia pour parfumer l’appareil. Dans certaines campagnes, la pascade était servie lors des veillées, découpée en parts généreuses, accompagnée d’un verre de vin de Marcillac ou d’un peu de tomme fraîche râpée.

Une recette simple… mais à la précision subtile

Comme souvent avec les mets anciens, la simplicité cache une exigence : celle du bon geste et du bon produit. La pascade ne triche pas. Voici donc la recette traditionnelle — à adapter selon vos envies, bien entendu !

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Ingrédients pour 2 à 4 personnes :

  • 4 œufs fermiers
  • 80 g de farine de blé (bio si possible)
  • 20 cl de lait entier
  • 1 pincée de sel
  • Poivre du moulin
  • Ciboulette fraîche ciselée (optionnelle, mais bienvenue)
  • Beurre ou saindoux pour la cuisson

Certains y glissent un trait de vinaigre de vin ou de citron, pour que la pascade monte à la cuisson… D’autres préfèrent la laisser se développer doucement, posée tel un nuage doré dans la poêle en fonte. Une affaire de goût.

Préparation :

  • Dans un saladier, battez vigoureusement les œufs avec la farine. Il ne doit pas y avoir de grumeaux.
  • Ajoutez le lait en filet, sans cesser de remuer, jusqu’à obtenir une pâte fluide proche de celle des crêpes mais légèrement plus épaisse.
  • Salez, poivrez selon votre goût. Incorporez la ciboulette si vous le souhaitez.
  • Laissez reposer la pâte 30 minutes à température ambiante. Ce temps permet à la farine de “boire” le liquide et donne plus de souplesse à la pascade.
  • Faites chauffer une généreuse noix de beurre ou de saindoux dans une grande poêle allant au four (ou une poêle à fond épais). Versez la pâte et laissez cuire 2-3 minutes à feu doux.
  • Transférez ensuite la poêle dans le four préchauffé à 200°C (chaleur tournante) pour 8 à 10 minutes, ou jusqu’à ce que la pascade soit bien soufflée et dorée.

Servez immédiatement, encore frémissante. La pascade n’attend pas !

Sucrée, salée… et toujours personnalisée

Ce qui rend la pascade si attachante, c’est sa capacité à passer du salé au sucré comme un troubadour change de chanson. Si la version salée à la ciboulette évoque un déjeuner sur l’herbe à Laguiole, la version sucrée saura réveiller les papilles des gourmets.

On la parfume alors d’un soupçon de sucre vanillé, d’un zeste de citron ou d’orange, et on la saupoudre — une fois cuite — de sucre glace. Certains y ajoutent des morceaux de pommes revenues dans du beurre, voire des raisins macérés dans du rhum brun.

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Quant à moi, je me souviens d’une grand-tante à Espalion qui y ajoutait une cuillère de miel de châtaignier juste avant d’enfourner. Une touche chaleureuse, un clin d’œil à l’automne aveyronnais.

Une tradition qui renaît dans l’assiette des chefs

Les années passent, mais la pascade revient en force sur les tables, portée par un vent de retour aux racines et de cuisine de terroir. Les chefs étoilés d’Occitanie ne s’y trompent pas : cette omelette d’antan offre un écrin idéal pour accueillir des saveurs nouvelles, comme du foie gras poêlé, des champignons sauvages ou même un tartare de truite de rivière.

À Rodez, un restaurateur en propose une version revisitée à base de farine de petit épeautre, garnissage aux oignons confits et éclats de noix. À Millau, c’est une variation sucrée autour du fromage blanc et des fruits rouges du Lévézou qui fait chavirer les cœurs des gourmands. Preuve que cette recette n’a rien perdu de sa vitalité.

Une rencontre avec Claudine, gardienne des saveurs d’autrefois

Au détour d’un sentier entre Conques et Estaing, j’ai rencontré Claudine, 78 ans, une silhouette fine et dynamique enveloppée dans un tablier à fleurs. Chez elle, à Flagnac, la pascade est presque un rite sacré. Chaque dimanche, elle l’offre à ses petits-enfants, “parce qu’elle sent bon le bonheur et les vacances”.

Ensemble, nous avons cassé les œufs dans un grand saladier en grès, remué la pâte avec une cuillère en bois noircie par le temps. “La pascade, c’est un plat honnête,” m’a-t-elle soufflé. “Il ne ment pas sur ce qu’il est. Il te nourrit, te rassemble, te réchauffe.”

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Claudine, avec ses gestes doux et assurés, m’a transmis bien plus qu’une recette : une manière d’habiter le monde et d’en partager les saveurs sans prétention, mais avec amour.

Où goûter la pascade en Aveyron (et au-delà) ?

Peu d’auberges la proposent encore à la carte, mais certains lieux restent fidèles à la tradition :

  • La Table de Joséphine à Espalion : une pascade salée aux herbes, en préambule d’un aligot bien filant.
  • Chez Monique à Saint-Côme-d’Olt : ici, la pascade sucrée s’accompagne d’une boule de glace au lait de brebis.
  • Marché de Rodez : le jeudi matin, un stand propose une pascade fraîchement cuite, à déguster sur un coin de banc.

Et pour ceux qui souhaitent la recréer à la maison, sachez que certains producteurs — comme la famille Viala à Bozouls — proposent des mélanges prêts à l’emploi à base de farine locale, vendus dans les épiceries fines du département ou sur les marchés estivaux.

Un symbole de convivialité à partager

Par sa simplicité et sa gourmandise, la pascade raconte l’histoire d’une terre âpre et généreuse, de femmes et d’hommes attachés à leurs traditions, mais aussi curieux d’inventer demain. Elle incarne ce lien si précieux entre le goût, la mémoire et la terre – un lien que l’Occitanie sait cultiver avec art.

Alors, pourquoi ne pas vous y essayer ce week-end ? Une poignée d’ingrédients, un peu de patience, et vous voilà transporté(e) au cœur de l’Aveyron, là où le vent sent la gentiane et où l’on cuisine à hauteur d’âme.

Et si vous avez une anecdote, un souvenir de pascade conté par une mamie du Rouergue ou dégusté dans un refuge des gorges du Tarn, éclairez-nous en commentaire… Car les véritables recettes vivent avec les voix qui les racontent.

Lucie

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